On les déteste ou on les aime, les influenceurs exercent toujours une réelle fascination pour le public. Quelle que soit son origine sociale, quelle que soit sa motivation, son âge, son niveau d’étude… on regarde, on observe, on se moque ou on suit ces influenceurs.
Les influenceurs sont des personnes suivies par une communauté de plusieurs milliers de personnes ou plusieurs millions. On ne parle que de peu d’entre eux dans les médias : les plus connus, les plus exposés, les plus déplorables. Pourtant, ils embarquent à ceux seuls les parts les plus importantes des communautés. C’est la règle des 80/20 qui se joue avec eux : 80% des communautés suivent 20% des influenceurs ou 20% des influenceurs récupèrent 80% du chiffre d’affaires de la profession.
Eh oui, influenceur est aussi un métier ! Cela vaut pour tous les influenceurs à partir du moment où il y a une transaction financière entre une marque et lui.
Evidemment, tous les influenceurs n’en font pas leur profession. On trouve aussi chez les influenceurs des journalistes, des chercheurs, des auteurs, des sportifs, des professionnels de la santé, des scientifiques, des économistes, des dirigeants… sur des réseaux variés comme Instagram, Linkedin ou Twitter. Ils ne sont pas tous rémunérés pour les conseils qu’ils donnent (gratuitement) dans un but d’autopromotion ou simplement par altruisme. Altruisme, oui mais pas toujours. Ils peuvent avoir une activité secondaire et rémunératrice simplement en optimisant des bannières publicitaires sur leur site internet ou leur chaine Youtube. Plus il y a de visiteurs, plus l’espace publicitaire est cher, on est bien dans une relation commerciale. Heureusement, il existe bien des influenceurs altruistes, on les reconnait parce qu’ils partagent un savoir sans aucune contrepartie.
Alors lorsque l’on parle des influenceurs médiatisés, des caricatures de poupées, des personnalités plus ou moins sérieuses, des illuminés ou des personnes vénales au point de s’exiler dans des paradis fiscaux pour y faire fortune tout en évitant les impôts Français, on ne parle que d’une partie de tout un système. Il reste les autres, ceux dont on parle moins mais qui restent tout aussi intéressants à comprendre et à suivre, que l’on soit une marque ou un individu.
Il faudrait déjà comprendre pourquoi les influenceurs sont suivis. On sait qu’ils exercent un pouvoir de persuasion sur leurs communautés parce qu’ils sont professionnels reconnus, parce qu’ils savent parler et convaincre, parce que notre cercle les suit, parce qu’on s’identifie à eux… Il y a maintes raisons individuelles et collectives qui orientent nos choix vers certaines personnalités plutôt que d’autres. Le problème n’est pas qu’elles soient suivies, même si parfois les valeurs de certains influenceurs sont médiocres, mais de savoir quand il y a abus et manipulation afin de s’en extraire. Lorsqu’un influenceur vante les mérites d’un produit qu’il n’a pas testé ou dont il ne trouve pas réellement d’intérêt, on est dans la promotion. Si la communauté ne le sait pas, l’influenceur exerce alors de la manipulation à son encontre. C’est aussi le cas des influenceurs qui promeuvent des bénéfices sanitaires faux et non prouvés au détriment (au risque parfois mortel) de la santé de certains. A partir du moment où les communautés ne connaissent pas la réelle motivation de l’influenceur, que ce dernier a des comportements ou propos déviants, on tombe dans la manipulation, l’abus de pouvoir.
Le mot est lâché ! Le pouvoir. C’est bien de ça dont il s’agit. A l’instar des élus, des dirigeants, des promus, des stars… les influenceurs exercent un pouvoir sur les autres. En ce sens, ils portent une responsabilité dont ils n’ont pas toujours conscience, que les communautés elles-mêmes ne ressentent pas forcément.
Les communautés ne comprennent pas toujours en quoi leur influenceur est responsable. Après tout, ce phénomène est nouveau, il est difficile de prendre conscience des mécanismes d’influence qui œuvrent au sein de notre groupe. Jusqu’à présent, les dynamiques de groupe s’exerçaient dans les sphères amicale, familiale, sociétale et sociale (j’inclus ici le monde des associations, du travail, de la religion). Mais avec les phénomènes d’influences social media, on entre dans un nouveau champ que l’on choisit ou que l’on subit (norme sociale). Je crois qu’il est temps de considérer l’influenceur comme une personne physique ou morale portant une responsabilité vis-à-vis de la Société.
En effet, l’État commence à règlementer les promotions en imposant une notification sur les communications. Mais nous, les communautés, les individus, nous devons aussi agir, prendre conscience de la multitude d’influenceurs qui existe, des risques que cela comporte et nous devons aussi nous responsabiliser.
Non, tous les influenceurs ne sont pas d’horribles manipulateurs ni des gourous profiteurs de la faiblesse des gens. Il y a des influenceurs vertueux et des « canaux de communication ». Ils restent tous importants pour passer des messages personnels ou commerciaux, pour commercialiser des produits et services. Je crois que ces influenceurs souvent décriés tiennent une place importante dans la Société, qu’il est temps d’en prendre conscience et de leur demander de la transparence et de la responsabilité.
Ils nous fascinent et on les suit. Les influenceurs agissent dans toutes les sphères de la Société qu’ils représentent d’ailleurs très bien avec leurs travers et leurs qualités. Prenons conscience de cet état afin de réagir en cas d’abus, tout en acceptant leur rôle et leur pouvoir d’influence. Parce que la manipulation est chose aisée dans un groupe conforme, consensuel et solidaire, nous devons rester méfiants et éduquer toutes les générations aux risques liés à l’influence sociale. Evidemment les influenceurs doivent être responsabilisés. Mais finalement, le problème vient peut-être davantage de notre besoin de nous conformer à notre groupe d’appartenance, plutôt que des abus commis par certains individus médiatisés ou charlatans…